par La taupe hémophile est une croyance populaire tenace qui a persisté pendant des générations. Cette idée reçue a mené à des pratiques cruelles basées sur l’utilisation de morceaux de verre pour blesser ces petits mammifères. Pourtant, la réalité biologique démontre que la taupe n’est pas hémophile.
Origine et persistance du mythe de la taupe hémophile
Le mythe de la taupe hémophile s’est profondément enraciné dans la culture populaire française, particulièrement dans le milieu des jardiniers. Cette croyance tenace, bien qu’erronée, trouve ses racines dans des observations mal interprétées et des pratiques ancestrales de lutte contre ces mammifères fouisseurs.
Les origines historiques de la croyance
Cette légende remonte aux pratiques agricoles du XIXe siècle, quand les jardiniers français cherchaient des moyens efficaces pour protéger leurs cultures des dégâts causés par les taupes. La méthode consistant à placer des morceaux de verre brisé dans les galeries s’est répandue, basée sur l’idée que les taupes, supposées hémophiles, succomberaient rapidement à la moindre coupure.
Les pratiques traditionnelles de lutte
Les jardiniers utilisaient différents objets tranchants dans leur combat contre les taupes :
- Morceaux de bouteilles cassées
- Tessons de verre
- Débris de porcelaine
- Lames métalliques rouillées
La propagation du mythe
Cette croyance s’est transmise de génération en génération, renforcée par deux observations trompeuses : d’une part, la découverte occasionnelle de taupes mortes présentant des hémorragies, généralement dues à des combats territoriaux entre mâles, et d’autre part, la présence de sang coagulé entre leur peau et leurs muscles, phénomène naturel sans lien avec l’hémophilie.
La persistance moderne de la légende
Malgré les avancées scientifiques démontrant l’absence d’hémophilie chez les taupes, cette croyance perdure dans certaines régions françaises. Les découvertes de cadavres ensanglantés de taupes, résultant en réalité de combats territoriaux ou d’accidents, continuent d’alimenter cette légende tenace. Les témoignages de jardiniers, se transmettant cette histoire de bouche à oreille, participent à maintenir vivace ce mythe dans la mémoire collective.
La réalité biologique de la taupe
La taupe (Talpa europaea) présente des particularités biologiques remarquables qui démontrent son adaptation naturelle à la vie souterraine, sans lien avec l’hémophilie. Cette petite créature possède des caractéristiques sanguines et respiratoires uniques qui lui permettent de prospérer dans son habitat naturel.
Un système sanguin hautement adapté
Les analyses biologiques montrent que le sang de la taupe contient deux fois plus d’hémoglobine comparé aux autres mammifères de taille équivalente. Cette concentration élevée lui permet de transporter efficacement l’oxygène dans son organisme malgré l’atmosphère pauvre en oxygène de son environnement souterrain. La coagulation sanguine fonctionne normalement, comme chez les autres mammifères, avec un processus standard impliquant plaquettes et facteurs de coagulation.
Des poumons surdimensionnés
L’appareil respiratoire de la taupe présente des adaptations remarquables. Ses poumons, deux fois plus volumineux que la moyenne des mammifères de même gabarit, compensent la faible teneur en oxygène des galeries souterraines. Cette caractéristique, couplée à son système sanguin performant, lui permet de respirer efficacement dans une atmosphère contenant jusqu’à 10% de dioxyde de carbone.
Un système immunitaire performant
Contrairement aux idées reçues sur sa prétendue fragilité, la taupe dispose d’un système immunitaire très efficace. Les analyses vétérinaires démontrent sa capacité à cicatriser rapidement et à résister aux infections, malgré son exposition constante aux microorganismes du sol. Son système de défense lui permet de survivre dans les conditions difficiles de son habitat naturel.
Des adaptations physiologiques complémentaires
La taupe présente d’autres caractéristiques physiologiques adaptées à sa vie souterraine. Sa fourrure dense protège sa peau des abrasions, tandis que son métabolisme élevé lui permet de maintenir une température corporelle stable dans les galeries humides. Ces adaptations biologiques témoignent d’une évolution parfaitement adaptée à son mode de vie, sans aucun lien avec une quelconque pathologie sanguine.
Les adaptations de la taupe à la vie souterraine
La taupe a développé des adaptations remarquables pour vivre dans son habitat souterrain. Son corps cylindrique et ses membres courts lui permettent de se déplacer efficacement dans les tunnels qu’elle creuse sous nos pieds. Ses pattes avant, larges et puissantes, sont munies de griffes robustes qui lui servent à excaver la terre.
Une anatomie parfaitement adaptée au milieu souterrain
Les taupes possèdent un pelage dense et soyeux qui peut se coucher dans n’importe quel sens, facilitant leurs déplacements en marche avant comme en marche arrière dans les galeries étroites. Leurs yeux minuscules sont recouverts d’une membrane protectrice qui les préserve des particules de terre. Le museau allongé et très sensible leur permet de détecter leurs proies grâce à un excellent odorat.
Un réseau complexe de galeries souterraines
Les taupes construisent des réseaux de galeries pouvant atteindre 100 à 200 mètres de longueur totale. Ces tunnels sont organisés sur plusieurs niveaux : des galeries superficielles de chasse à 5-10 cm sous la surface, et des galeries plus profondes à 20-60 cm servant d’axes de circulation principaux. Le nid et les zones de stockage sont aménagés dans des chambres plus larges reliées aux galeries principales.
Organisation du territoire souterrain
Une taupe adulte occupe un territoire d’environ 2000 m² en moyenne. Le réseau comprend :
- Des galeries de chasse temporaires près de la surface
- Des galeries permanentes plus profondes
- Un nid principal tapissé d’herbes sèches
- Des chambres de stockage pour les réserves de vers de terre
Des capacités physiologiques exceptionnelles
Pour survivre dans cet environnement pauvre en oxygène, les taupes ont développé des adaptations physiologiques particulières. Leur sang peut transporter et stocker plus d’oxygène grâce à une concentration élevée en myoglobine dans leurs muscles. Cette protéine leur permet de rester actives même dans des conditions où la teneur en oxygène est très faible.
Leur métabolisme est également adapté à la vie souterraine : elles peuvent alterner rapidement entre des périodes d’activité intense lors du creusement et des phases de repos. Cette capacité leur permet d’économiser leur énergie tout en maintenant une température corporelle stable dans leur environnement confiné.
La confusion entre hémorragie et hémophilie
Une confusion fréquente persiste entre hémorragie et hémophilie concernant les taupes. Cette méprise a donné naissance à une croyance tenace selon laquelle ces petits mammifères seraient naturellement hémophiles, alimentant des pratiques cruelles pour s’en débarrasser.
Différencier hémorragie et hémophilie
L’hémophilie est une maladie génétique rare qui affecte la coagulation sanguine. Elle se caractérise par l’absence ou l’insuffisance d’un facteur de coagulation, rendant impossible l’arrêt naturel des saignements. Une hémorragie, quant à elle, désigne simplement un écoulement de sang hors des vaisseaux sanguins suite à une blessure, sans forcément impliquer un trouble de la coagulation.
Des observations mal interprétées
Les jardiniers rapportent avoir découvert des taupes mortes présentant des accumulations de sang entre leur peau et leurs muscles. Ces observations, notamment lors des périodes de reproduction où les mâles s’affrontent violemment pour établir leur territoire, ont renforcé la croyance en leur prétendue hémophilie.
Les combats entre mâles
Durant la période de reproduction, les taupes mâles manifestent un comportement territorial marqué. Les affrontements peuvent occasionner des morsures profondes et des blessures importantes. Le sang s’accumule alors dans les espaces sous-cutanés, créant l’illusion d’une hémorragie massive.
L’origine scientifique du mythe
La taupe possède effectivement deux fois plus de sang et d’hémoglobine que les autres mammifères de taille comparable. Cette adaptation physiologique, nécessaire à sa survie dans un environnement pauvre en oxygène, a pu renforcer l’idée erronée de son hémophilie. Les quantités importantes de sang observées lors des blessures s’expliquent par ce volume sanguin supérieur et non par un défaut de coagulation.
Les taupes disposent d’un système immunitaire très performant, étant exposées plus que d’autres animaux à des blessures. La première défense contre les blessures est mécanique, la fourrure très épaisse permet d’éviter les simples déchirures de la peau.Fondation La Main à la Pâte, 2003
Les méthodes respectueuses pour gérer les taupes
Face au mythe persistant de la taupe hémophile, de nombreux jardiniers ont longtemps utilisé des méthodes cruelles pour tenter d’éradiquer ces mammifères de leurs parcelles. Aujourd’hui, des alternatives respectueuses permettent de gérer leur présence sans leur causer de souffrance inutile.
Les techniques d’effarouchement naturel
Plusieurs plantes aromatiques dérangent naturellement les taupes par leurs odeurs puissantes. Le sureau noir, l’euphorbe, la fritillaire ou encore les narcisses peuvent être plantés dans les zones sensibles du jardin. Les taupes évitent généralement ces secteurs sans subir de dommages.
L’installation de répulsifs sonores ou vibratoires constitue également une méthode douce. Ces dispositifs, plantés dans le sol tous les 15-20 mètres, émettent des ondes qui perturbent les taupes sans les blesser. Leur efficacité varie selon la nature du terrain.
Le piégeage mécanique encadré
Les pièges-pinces homologués permettent de capturer les taupes vivantes. La réglementation française impose d’utiliser uniquement des modèles agréés qui ne causent pas de blessures. Ces pièges doivent être relevés quotidiennement et les taupes relâchées à plus de 5 km.
Cadre légal de la lutte contre les taupes
En France, les taupes ne figurent pas sur la liste des espèces nuisibles. Leur destruction n’est autorisée que par des méthodes sélectives ne mettant pas en danger les autres espèces. L’empoisonnement et les pièges mutilants sont strictement interdits depuis 2013.
L’aménagement préventif du jardin
La pose d’un grillage enterré à 50 cm de profondeur protège efficacement les zones sensibles comme les potagers. Un sol régulièrement travaillé et drainé limite aussi l’installation des taupes en réduisant les populations de vers dont elles se nourrissent. Ces mesures préventives respectent l’équilibre naturel du jardin.
La gestion des taupinières peut se faire par simple nivellement à la fourche, sans chercher à détruire les galeries. Cette technique n’affecte pas les taupes mais maintient l’esthétique du jardin tout en préservant la fonction d’aération naturelle du sol qu’elles assurent.
Ce qu’il faut retenir sur la taupe hémophile
La taupe n’est pas hémophile, c’est un mythe qui a malheureusement conduit à des méthodes de lutte inhumaines. Son système sanguin est parfaitement normal. Pour gérer la présence de taupes, des méthodes respectueuses existent comme l’effarouchement ou le piégeage mécanique, dans le respect de la législation française sur la protection de ces animaux.
